Madagascar
QUAND L’HIVER EST ARRIVÉ, on a pu lancer les travaux. On s’est dit : « Sur notre chantier de l’aéroport, on a toutes les compétences. Pourquoi ne pas les utiliser pour le projet ? Et puis tous les investisseurs de l’aéroport pourraient donner un peu à l’association ». J’ai fait le tour des popotes et tout le monde a dit oui ! J’appelle ça la contagion positive. Incroyable ! Terrassement, plomberie, électricité… tout le monde a travaillé bénévolement. À commencer par l’architecte, le design manager. Le chef de chantier a pris le relais pour superviser les travaux. C’est quelque chose de construire un centre d’accueil de 200 m² pour soutenir 40 enfants, pour les accompagner de l’école jusqu’à ce qu’ils trouvent un métier.
PENDANT le chantier, on a aussi fait appel aux bonnes idées et bonnes volontés, et tout s’est fait comme ça ! On a récupéré des tables de pique-nique en rondins du chantier pour le centre, ainsi que les casiers en bois des ouvriers. Ils ont été recyclés en bibliothèques par des jeunes venus spécialement de Saint-Malo qui nous ont trouvés sur Facebook – ils voulaient agir pour Madagascar. Puis les enfants les ont peints eux-mêmes de toutes les couleurs pour tapisser les murs.
EN JUIN, on n’avait toujours pas l’électricité. Alors, comme tous les Malgaches, on a tiré un câble chez le voisin. Mais ça ne pouvait pas durer. Alors j’en ai parlé à un responsable sur le chantier de l’aéroport, et 24 heures après j’avais le devis ! Tout s’est enchaîné ainsi, naturellement.
AUJOURD’HUI, le centre tourne. On a démarré avec 16 enfants, de 10-12 ans en moyenne, ils sont 30 pour l’instant. Une personne y vit à temps plein pour un accueil jour et nuit des enfants en cas de besoin. On a installé des sanitaires. Les enfants vivent souvent dans des taudis, on organise des rotations pour qu’ils puissent se laver 2 fois par semaine au centre. On offre un repas par jour. Et au-delà de remplir le ventre, on essaie de remplir la tête. L’association paie les frais de scolarité. Les enfants s’ouvrent, disent quelques mots en français, et les résultats scolaires sont là. Ils mendiaient dans la rue, et ils ont retrouvé un avenir. Je n’en reviens toujours pas, comment tout cela s’est fait, au hasard des rencontres de la vie.
ET DEMAIN, on ne va pas s’arrêter là. On est en train de créer des jardins participatifs autour du centre dont la moitié de la production ira aux parents, et l’autre moitié à l’association. On recherche de nouveaux partenaires pour continuer à financer les repas des enfants. On aide aussi un orphelinat et une école publique à côté du chantier. Jusqu’où ira-t-on ? Quand tout le monde s’y met, il n’y a plus de limites.
TROIS ANS après notre installation à Madagascar, on en a fait du chemin. Il y a quelques jours, mon épouse est allée faire les courses et des enfants de l’association sont entrés dans le supermarché et se sont cachés pour lui dire bonjour. Il y a 2 ans, c’était inimaginable. On les a sortis de la rue. Quant à nos enfants à nous, ils se rendent compte de la richesse qu’il y a à connaître le vrai pays et sa réalité, au-delà de la vision carte postale. On ne se pose plus la question de comment ils perçoivent la pauvreté. Ils savent dorénavant qu’on peut tous être acteurs, chacun à son niveau. C’est ça la plus belle découverte.